Il y a quelques années, alors que je venais d’obtenir mon diplôme de Plongeur Niveau IV « Capacitaire » (je n’ai jamais bien compris la signification exacte de ce mot), nous sommes allés plonger avec notre club au centre « Aber-Benoit Plongée », situé sur le Quai du Stellac’h à Saint-pabu, Ce centre, animé à l’époque par Christophe Lecoq, a malheureusement fermé depuis lors.
Ce matin là, Christophe, nous propose de plonger sur l’Amoco-Cadiz, épave mythique s’il en est, le traumatisme de la marée noire que ce navire a provoqué étant encore dans toutes les mémoires des jeunes de mon âge ;-). Les sourires éclairent alors les visages de l’ensemble du groupe de plongeurs que nous constituons (une trentaine au total). Nous embarquons sur les semi-rigides (un « grand » de 8,50 m et un « petit » de 5,60 m qui assurera la sécurité surface et la récupération des palanquées) et nous voilà partis pour une navigation dans la brume matinale, avec une très grande houle d’ouest, qui met quelques organismes à l’épreuve !
Arrivés sur zone, Christophe prend le mouillage sur le milieu du navire pour permettre une exploration de la zone du mât de transbordement. Il nous explique que toutes les remontées se feront au parachute, et que le petit semi-rigide viendra aider à la récupération des palanquées. Avec S., ma binôme préférée, nous avons l’honneur et le plaisir d’être les premiers à descendre le long du mouillage. Christophe me prévient qu’il n’est pas sûr de la qualité de sa prise d’épave, que l’ancre est peut-être posée devant l’épave dans le sable, et donc nous recommande de descendre le long du bout sans nous déhaler trop violemment. Nous nous immergeons et constatons que la visibilité est très bonne, pas moins de 25 mètres de visi horizontale !
Nous descendons tranquillement, et l’épave apparaît, elle est énorme ! Je constate que l’ancre du semi-rigide est prise dans une échelle de coupée qui permettait à l’époque de passer d’un pont à l’autre. Je me rends aussi compte que l’ancre « chahute » pas mal l’échelle, et je me fais la remarque que nous allons avoir du mal à la décrocher… En nous rapprochant de la coque, l’improbable survient : les fixations de l’échelle cèdent sous les coups répétés de l’ancre… Comme nous nous trouvons à la profondeur de l’échelle, je la vois arriver à pleine vitesse vers S. et moi, j’ai juste le temps de me dire « C’est fini pour nous » tant que je pense qu’elle va nous heurter de plein fouet (elle fait environ 4 mètres de hauteur par 1 mètre de large…).
Comme dirait Serge Gainsbourg, « Je sens mon rythme cardiaque qui passe brusquement à Mach 2, … comme sous un électrochoc ! ». Fort heureusement, du fait de son poids, elle retombe lourdement sur le fond et commence à déraper, l’ancre du bateau tirant dessus sans arrêt. je descends alors avec S. vers 32 mètres et je me pose sur l’échelle pour tenter de décrocher l’ancre. la tension sur le bout est telle que je n’y parviens pas (il y a à ce moment une dizaine de palanquées en train de descendre le long du bout, dont certaines, c’est sûr, tirent dessus pour s’aider !). Nous somme rejoints au fond par R. et J., deux plongeurs expérimentés qui m’aident à retirer l’ancre de l’échelle… La tension redescends quelque peu et je rends immédiatement compte que je suis en début d’essoufflement : rythme respiratoire accéléré, envie irrépressible d’inspirer, voire d’arracher mon détendeur pour prendre une grande gorgée d’air frais ! Mais nous sommes à plus de 30 mètres ! Je fais immédiatement signe à S. que je ne vais pas bien, mais je parviens à contrôler mon souffle, et je récupère progressivement un rythme respiratoire presque normal… Nous remontons au-dessus du pont principal vers la profondeur de 22 mètres. Un rapide contrôle de mon manomètre m’informe que je suis à mi-pression ! J’ai consommé la moitié de mon 15 litres en 5 minutes d’immersion !
En nous promenant sur le pont parmi les laminaires, j’aperçois un plomb de ceinture, ce sera mon trophée du jour ! Je descends le récupérer et je sens immédiatement l’essoufflement reprendre. Je fais alors signe à S. de nous diriger vers le mât de transbordement, et de nous stabiliser vers 18 mètres de profondeur. Nous y terminons la plongée en tentant de prendre la perspective du gigantisme de cette épave (que nous entendons craquer régulièrement, ce qui est assez impressionnant). nous remontons en hélice le long du mât jusqu’à la profondeur de 8 mètres, j’envoie mon parachute, nous effectuons notre palier de décompression, et nous faisons surface.
Après avoir gonflé nos gilets respectifs, je me rends compte que je suis totalement aphone ! C’est ce que j’ai appelé « l’effet kiss-cool de l’essoufflement » : le rythme respiratoire que j’ai eu lors de l’incident de l’échelle, m’a fait inhaler très rapidement une grande quantité d’air très sec (l’air contenu dans nos blocs est filtré et asséché pour éviter la corrosion de l’intérieur des bouteilles), ce qui a eu pour effet de dessécher mes cordes vocales !
Nous revenons en capelé vers le semi-rigide de Christophe et remontons à bord. Comme je ne peux plus m’exprimer, c’est S. qui lui explique notre mésaventure… Au fur et à mesure du retour des plongeurs du groupe, nous apprenons que plus de la moitié des palanquées a dû palmer pendant 30 mètres pour rejoindre l’épave, l’ancre ayant encore dérapé sur le fond après que nous l’ayons libérée. Cependant Christophe me remercie d’avoir fait cela car sinon, nous n’aurions pas pu la remonter, le bateau aurait continué à déraper et la récupération des plongeurs aurait été rendue compliquée par la non-manœuvrabilité du navire.
Cette expérience m’a fait découvrir la sensation désagréable de l’essoufflement, et m’a fait comprendre que cet accident (même si mon essoufflement n’était que bénin), n’est vraiment pas anodin, ne serait-ce que par ses conséquences : je n’ai récupéré ma voix que 4 jours plus tard !
Et vous, avez-vous déjà ressenti un essoufflement ? quel effet secondaire a-t-il eu sur vous ? Merci d’avance pour vos retours !
Bonjour,
mon expérience de essoufflement est un peux plus hard core. Sur une plongée carrée dans le même style que sur une épave sauf que c’était sur une patate qui commence à 35 mètre de profondeur que l’on appelle le sec à Merlot. Elle est située sur la côte d’azur au large de Saint-Jean Cap-Ferrat. Nous descendons sur l’encre arrivée sur le site visibilité très médiocre c’était en Mars l’eau était froide avec un petit courant de fond. Je plongée en étanche sur-lesté (11 Kilo au lieux de 6 Kilo normalement) en l’espace de deux coup de palme avec l’effet narcose le froid et le courant je me suis trouvé en situation d’essoufflement panique. J’ai vu ma vie défiler et alors que je fais signe à mon binôme de remonter il me signe de redescendre (pour se mettre à l’abri du courant) mais mauvaise idée. Grâce à un grand self contrôle et au contact de mon binôme qui ma quand même rassuré j’ai réussi à maitriser cet essoufflement qui pendant quelque longue longue minute ma fait penser à ma mort par noyade. Ce fut une leçon pour le moins « Hard core » mais je m’en rappellerait.
Merci Strambi pour ton retour, effectivement, ça fait froid dans le dos ! Le tout est d’analyser les causes de l’accident et de faire en sorte de ne jamais les reproduire ! 😉
Merci pour ces témoignages. Encore jamais vécu cela, et je ne le souhaite pas, mais toujours intéressant de voir comment il est possible de surmonter cela.
Bravo pour ton blog!
Merci à toi pour tes encouragements !
J’ai aussi eu un gros essoufflement , plus de peur que de mal
depuis j’insiste dans mes cours de cet incident qui arrive très vite
Etant Belge et mes élèves aussi
il y a une ville que tout les Belges connaissent
C’est la ville de SPA
Donc je leur dit de retenir ce mot
SPA : STOP,PENSER,AGIR
Ca m’a déjà servi
Merci Serge !
Je retiens le SPA !
Bonjour Philippe,
tout d’abord je te remercie pour tous tes articles passionnants!
Pour ma part j’ai eu aussi à faire face à l’essoufflement lors de mon passage de N2. Sur les précédentes plongées je consommais (beaucoup) plus que les autres plongeurs de la palanquée. J’ai donc demandé des conseils pour améliorer ceci et on m’a parlé de la fameuse respiration du diaphragme avec légère apnée en fin d’expiration (que tu évoques par ailleurs sur ton blog). C’est donc lors de la plongée suivante que j’ai voulu mettre ceci en application. Sauf que cette plongée était aussi ma première à 30 mètres avec la dose de stress qui va bien!
Du coup, arrivée normale à 30 mètres, je commence à « essayer » cette nouvelle respiration et me retrouve rapidement en essoufflement. La suite: je tire la palme du GP qui me remonte vers 18-20 mètres en essayant de me calmer. Comme le dit Strambi, les minutes sont longues et j’ai vraiment cru que c’était la fin! Je ne voulais plus replonger car j’avais vraiment eu peur.
Heureusement (et comme souvent dans le monde des plongeurs), tout le groupe a été hyper cool avec moi après et on m’a proposé le lendemain de refaire une plongée à 30 mètres sans me prendre la tête sur la consommation. La plongée s’est parfaitement déroulée et je plonge toujours (d’où l’importance de remontée en selle et de ne pas rester sur un échec).
Les cours théoriques nous avait prévenu sur le phénomène et les réactions possible du plongeur (lâché d’embout pour respirer par exemple), nous étions tous dubitatifs mais je peux maintenant le certifier!!
Merci Paul pour ton retour ! Effectivement l’essoufflement est abstrait jusqu’à ce que on y soit confronté… Merci aussi pour ton retour d’expérience, c’est toujours compliqué d’en parler !