Pour la prochaine saison au sein de mon club, je vais animer la formation « Plongeur Niveau 2 FFESSM » (Qualifications PA20 et PE40) avec l’aide de mes 2 amis J.P. et R. Nous allons décliner la progression que j’ai décrite il y a quelque temps dans cet article. Immanquablement, nous allons effectuer des remontées assistées et des sauvetages (même si je considère que cela n’est pas et ne doit pas être le cœur de la formation !). On sait bien que lors de ces phases d’apprentissage les vitesses de remontée sont plus ou moins respectées ! De plus, l’enchainement répété de ce type d’exercice fait que l’ordinateur de plongée, même s’il affiche des informations, ne peut plus être considéré comme un élément fiable de gestion de la décompression, mais juste comme un élément d’information. Vous l’aurez compris, l’objet de de ce billet est de proposer une démarche qui permette de gérer la décompression de la palanquée dans des conditions satisfaisantes de sécurité…
En préambule, je tiens à préciser qu’il est tout à fait possible d’enseigner la remontée assistée ou le sauvetage sans quasiment jamais s’exposer (j’entends par là le stagiaire et le moniteur) à une remontée rapide. La progression décrite dans l’article référencé en introduction le permet totalement.
Nos ordinateurs de plongée sont conçus pour déterminer au plus juste la décompression afin que la phase de désaturation se déroule normalement, et que l’azote que nous avons dissous dans notre corps au cours de notre immersion ne reprenne sa forme gazeuse que via la ventilation, et non pas de façon anarchique en formant des bulles à l’intérieur de notre organisme. La plupart des constructeurs précisent dans le manuel utilisateur que l’ordinateur n’est utilisable que dans un cadre de plongée pour lequel il est prévu. Ainsi une remontée rapide vers la surface peut bloquer l’ordinateur (mode SOS) pour la plongée suivante, et « imposer » au propriétaire une pause de 24h00 (ou plus). Certains ordinateurs de moyenne gamme proposent aujourd’hui une fonction d’effacement de la désaturation pour permettre de replonger. Cependant, l’usage de cette fonction est encadré de multiples avertissements comme on peut en trouver dans mes manuels utilisateurs :
- Cressi Leonardo : « DANGER: Ne jamais réinitialiser l’instrument s’il doit être utilisé sous l’eau pour calculer les immersions successives !«
- Mares Quad : « Plonger après avoir remis la désaturation à zéro est extrêmement dangereux et peut provoquer des blessures graves ou la mort. Ne remettez pas la désaturation à zéro si vous n’avez pas une raison valable de le faire.«
- Scubapro Galileo G2 : « Réinitialiser la désaturation affectera les calculs de l’algorithme et cela peut provoquer des blessures graves ou mortelles. Ne réinitialisez pas la désaturation sans raison valable.«
- Shearwater Peregrine : « La charge en gaz inertes des tissus de décompression a été réinitialisée aux niveaux par défaut. Prévoyez les plongées successives en conséquence.«
On le voit bien, les fournisseurs de matériel ne veulent pas prendre de risque d’une quelconque action contre eux (et on peut les comprendre) du fait de l’usage d’un ordinateur sur lequel on aurait effacé le « mode SOS » pour pouvoir replonger quelques heures après l’immersion ayant provoqué son blocage… Mais alors, que faire ?
La première chose est de se dire que si l’ordinateur s’est bloqué lors de la première immersion de la journée, il ne va pas être en mesure de calculer correctement la saturation en azote pour la deuxième. Si l’ordinateur s’est mis en « Mode SOS », c’est qu’un événement pouvant mettre en danger la santé du plongeur le portant s’est produit (par exemple une remontée trop rapide). Donc, dans une optique de maîtrise et de limitation des risques, le plus sage serait de ne pas replonger, comme le suggère l’ordinateur.
Cependant, il ne faut pas oublier que l’ordinateur de plongée n’est qu’un instrument de calcul. Il convient donc de garder son libre-arbitre. Selon la « gravité » de de ce qui s’est passé en immersion, et un dialogue explicatif avec son élève, je considère qu’on peut tout à fait repartir pour une deuxième plongée, en prenant quelques précautions d’usage, et donc remettre à zéro les paramètres de l’ordinateur.
De toute façon, si des « yo-yos » ont été effectués, je conseille d’appliquer systématiquement (remontée rapide ou pas) la bonne vieille règle de sécurité autrefois formalisée dans le mode d’emploi des Tables MN90 et que je formalise aujourd’hui comme suit :
- Rejoindre la demi-profondeur de la plongée (moitié de la profondeur maximale atteinte, arrondie au mètre supérieur).
- Se stabiliser à cette profondeur et effectuer une explo de 5′.
- Quand les 5′ sont écoulées, entamer immédiatement la remontée.
- Effectuer un premier palier de 1′ à 6 mètres de profondeur (La procédure recommandée par la FFESSM ne demandait initialement qu’un palier obligatoire minimal de 2′ à 3 mètres, cette recommandation a été revue par la Marine Nationale en 2009).
- Effectuer un deuxième palier d’au moins 5′ min à 3 mètres (si votre ordinateur vous en indique plus, faites ce qu’il indique !).
Il faut bien comprendre qu’une plongée technique amène la palanquée qui la réalise (moniteur et stagiaires) à effectuer des actions et des gestes techniques qui ne seraient effectués qu’en cas d’incident au cours d’une plongée d’exploration. L’organisme des plongeurs est donc plus exposé à des situations plus ou moins à risques. Il faut aussi considérer que les élèves sont plus ou moins en situation de stress avec les incidences sur leur physiologie qui s’ensuit en conséquence. Je préconise donc d’observer systématiquement un palier pour terminer une plongée technique.
En définitive, si la durée et la profondeur de la plongée n’imposent pas de paliers, je recommande un palier de 3′ à 3 mètres. Si on a fait un ou des « yo-yos », on réalise les 5 points énumérés dans le paragraphe précédent. Dans le cas de plongées techniques plus profondes et qui amènent à des paliers obligatoires, je préconise également d’allonger d’au moins de 5′ les paliers affichés par l’ordinateur (conformément aux recommandations énoncées par Alain foret dans mode d’emploi des Tables MN90). Ainsi si on a des paliers de 1′ à 6 mètres et de 9′ à 3 mètres, on réalisera un stop de 6′ à 6 mètres et un deuxième stop de 14′ à 3 mètres). Le temps de plongée effectif devra donc être adapté en conséquence pour permettre la réalisation de ces paliers en toute sécurité.
Je tiens à remercier plusieurs amis moniteurs avec qui j’ai pu échanger sur ces sujets, notamment à l’occasion de discussion autour de nos âges respectifs, de la pratique de l’enseignement des qualifications et brevets divers (PA20, PE40, PA40, Niveau 3, Guide de Palanquée) en toute sécurité (personnellement, je me rapproche dangereusement de la soixantaine, il convient donc pour moi et mes amis du même âge de ne pas s’exposer outre mesure à des risques inconsidérés !).
Et vous quelle procédures mettez-vous en œuvre pour effectuer des plongées techniques « sûres » ? Merci par avance pour vos retours !